Fira de Santa Llúcia
Histoire de la Foire de Sainte-Lucie
La date la plus ancienne dont nous ayons connaissance pour cette foire est l'année 1786. Cette date est précise et ne fait aucun doute, de nombreuses sources évoquent en effet sa tenue et son importance. Nous trouvons la première référence dans les textes de Rafael Amat, écrivain catalan du XVIIIe siècle (1746-1818), plus connu sous le nom de Baron de Maldá. Dans une chronique de son journal en 60 tomes intitulé « Calaix de Sastre » (tiroir du tailleur), il écrit : « Le 13 décembre, sainte Lucie, vierge et martyre. Il y a eu une fête en la cathédrale, dans la chapelle et l'autel où est vénérée sainte Lucie, avec ses reliques ; et une foire dans les rues situées devant le cloître, avec de nombreux marchands de crèches (...), jolies figurines en terre et en carton, santons, bergers, bœufs, ânes et autres animaux..., qui ont attiré une grande foule, (...). Et dans la cathédrale, les gens sont venus entendre la messe et se recommander à la glorieuse sainte pour qu'elle préserve leur vue .»
La deuxième source nous vient du grand folkloriste et auteur du « Costumari català », recueil de coutumes catalanes, Joan Amades (1890-1959) qui confirme l'année 1786 comme date documentée la plus ancienne.
Même les calamités comme la terrible épidémie de fièvre jaune que subit la ville de Barcelone en 1860, n'empêchèrent pas la tenue de la foire. Joan Amades parle de sainte Lucie comme de la patronne des couturières, des tailleurs et de tous ceux qui font des travaux d'aiguille, ainsi que des aveugles. Elle est d'ailleurs populairement surnommée « l'avocate de la vue ».
On dit aussi que la foire était appelée « la foire des jeunes filles » car on pensait que les jeunes filles allaient y chercher un mari. Elles venaient accompagnées de leur mère, bien habillées et portant tous leurs bijoux pour trouver un prétendant.
Au XIXe et au début du XXe siècle, le jour de la Sainte-Lucie, dans certaines villes de Catalogne, les jeunes filles qui apprenaient la couture faisaient une fête et traversaient la ville ou le village en chantant des chansons et des psaumes. On les appelait « llucietes ». Dans d'autres régions, les jeunes filles se réunissaient pour entendre la messe puis allaient chanter en groupes devant les maisons pour recueillir des dons et des aumônes. L'une d'entre elles représentait sainte Lucie, elle portait une couronne de fleurs, celles qui l'accompagnaient étaient les « cardenales ». À Barcelone, les couturières se regroupaient dans le parc de la citadelle où elles organisaient une grande fête.
Certaines sources indiquent qu'au XIXe siècle, on trouvait dans la foire aux santons des marchands de personnages en carton que l'on actionnait en tirant sur une ficelle. Ces figurines n'avaient aucun rapport avec la crèche, mais les enfants les adoraient, ce qui attirait encore plus de monde à la foire.
Amades écrit qu'au XIXe siècle, la foire des crèches durait trois jours : pour la Purísima et pour sainte Lucie, sur la place de la cathédrale, et pour saint Thomas, sur les places du Pi, de Sant Josep Oriol et du Born. On y vendait des santons, des décors et autres accessoires pour crèches tels que ponts, fontaines, moulins, puits, granges... Quant aux éléments de paysage comme la mousse, le liège, le myrte et autres plantes, on les trouvait sur les marches de la cathédrale. Nos ancêtres distinguaient bien la foire des crèches et celle des plantes.
La passion des crèches connut un tel essor que les marchands devinrent de plus en plus nombreux et que les deux foires finirent par n'en faire plus qu'une.
Une coutume s'installa peu à peu : les enfants venaient s'y promener avec leurs parents, malgré le froid de cette époque de l'année, afin de profiter de l'atmosphère de Noël et des braseros des marchands. De retour chez elles, pourvues des accessoires achetés à la foire, les familles montaient la crèche qui amusait les enfants et réjouissait les adultes.
Certaines sources antérieures au XXe siècle soulignent que les véritables créchistes ne la montraient que le soir du réveillon. Ils considéraient en effet comme irrévérencieux de révéler le mystère de la naissance de l'enfant Jésus avant qu'elle ne se produise.
Durant le premier tiers du XXe siècle, pour la Sainte-Lucie, toute la ville de Barcelone se rendait à la petite chapelle consacrée à la sainte pour se protéger contre les maladies des yeux. Tout autour de la chapelle, les marchands apportaient ce qu'ils avaient de mieux à offrir, profitant de l'affluence.
Perquè avui és Santa Llúcia
dia de l´any gloriós,
pels vols de la Plaça Nova
rondava amb la meva amor.
Anem tots dos a la fira,
amiga, anem-hi dejora,
que una mica de muntanya
alegri nostra tristor.
Comprarem grapats de molsa
i una enramada d´arboç,
i una blanca molinera,
i una ovella i un pastor.
(Fragment du « Roman de sainte Lucie » de Josep Maria de Segarra).
L'installation de la foire de Sainte-Lucie a beaucoup changé au fil du temps. Au début du XXe siècle, par exemple, d'après les photographies que nous avons conservées, les marchands montaient sur tréteaux une grande planche et de simples étagères et les protégeaient à l'aide d'un taud rudimentaire imperméabilisé à l'huile de lin (il n'y avait pas de plastique, à l'époque) et la nuit venue, ils s'éclairaient avec des lampes à pétrole ou à acétylène.
Aujourd'hui, les stands sont solidement fabriqués en bois, bien équipés et éclairés à l'électricité.
Parallèlement aux stands qui proposent des santons, objets en liège et éléments de décor, on trouve aussi des stands proposant des plantes : mousse, houx, buis, sapins, gui, liège...
La foire de Sainte-Lucie est certainement l'une des traditions de Noël les plus anciennes de la ville de Barcelone.
Nous devons aussi évoquer les nombreux artisans de l'univers de la crèche qui ont rendu possible la tenue de cette foire au cours de plus de deux siècles. La passion de la crèche en Catalogne et dans toute l'Espagne a donné naissance à de grands artistes en la matière. Les quatre principaux ont été : Francisco Salzillo (1707-1783) à Murcie, Ramon Amadeu (1745-1821) à Barcelone, Damià Campeny (1771-1855) à Mataró, et Domènech Talarn (1812-1902) à Barcelone.
Nous savons par diverses sources que le Barcelonais Ramon Amadeu fut marchand à la foire de Sainte-Lucie. Comme le signale l'une de ses biographies, Amadeu est né près de l'église du Pi. D'humble origine, il devint potier et fabriqua de nombreux santons qu'il vendait lui-même à la foire. Artisan modeste au début, il fut vite considéré comme le meilleur artiste de l'époque et l'on sait que le roi Charles III visitait son atelier chaque fois qu'il se rendait à Barcelone. Ses œuvres étaient baroques, de style français ou italien, plutôt que de style murcien.
Malheureusement, lors de l'invasion napoléonienne, de la Semaine tragique et de la guerre civile, la plupart de ses œuvres ont été perdues ou détruites. Celles que nous avons pu conserver peuvent être admirées au musée d'Histoire de Barcelone, au musée d'Olot et dans quelques collections privées.
Plus tard, de remarquables santonniers et artisans du liège ont exposé et exposent encore leurs produits à la foire de Sainte-Lucie, où ils vendent parfois eux-mêmes leur production, et parmi lesquels nous signalerons :
Daniel José Ursueguía ( Santander 1909-Barcelone 1990), Carratalà, petits santons de type catalan, la famille Muns, dont les santons étaient particulièrement originaux, la famille Castells, aujourd'hui petits-enfants de Martí Castells qui poursuivent l'œuvre de leur grand-père, la famille Bertrán, spécialisée dans le décor végétal et les santons en plomb et en terre, les frères Colomer, pour leurs santons en terre et en plastique et leurs objets d'art en liège, Fernández Carbonell, pour ses articles très travaillés en liège, la famille Deulofeu, spécialiste des grottes et des paysages, Montserrat Ribes, qui expose ses santons à la foire depuis 1997, Barceló et ses grottes en liège, artesania Bonet, qui réalise des articles en liège avec éclairage et bien d'autres tels que : Abella, Anell, Joan Bel, Anna Blesa, Lluís Boix, Antoni Cendra, Francesc Costa, les frères Escoda, Fabregat, Fernández Puigmacià, Ferrer, Gil, Gisbert, Joan Hernández, Ivars, Teresa Llort, Pasqual Macià, Gerard Marí, Anna Maristany, Marinel.lo, Aurora Mas, Miquel Moreno, Oliver, Pañellas, Puig Llobera, Riera, Semis, Silvestre, Taulé, Vidal, Vila, ... etc.
La foire commence actuellement fin novembre ou début décembre, et compte plus de 280 stands répartis par secteurs, en fonction des articles vendus (crèches et santons, plantes et artisanat), situés sur le parvis de la cathédrale, avenue de la cathédrale. Les vendeurs vous offrent comme ils le font depuis bien longtemps tous les produits dont vous aurez besoin pour décorer votre foyer pour les fêtes de Noël et vous inviteront chaleureusement à visiter la foire autant de fois que vous le souhaiterez avec la même joie qu'ils ont à se trouver là pour vous.
L'hiver approche et Noël aussi, couvrez-vous bien et à bientôt.
Bibliografia principal:
AMADES, Joan; “El Pessebre”, editat el 1946, malgrat que en el pròleg del llibre la data de publicació hi consta l'any 1935, com a llibre clandestí de l'època.